Comment les lobbies industriels manipulent la science ?
Qu’est-ce-que le ghostwriting ?
Le ghostwriting consiste à pousser ses employés à écrire des études qui se feront signer par la suite par des scientifiques de renom afin qu’ils apportent du crédit à ces textes. C’est une forme grave de fraude scientifique qui a été mis sur le devant de la scène avec l’affaire des “Monsanto papers”. L’entreprise a utilisé cette pratique pour contrer les informations qui dénoncent la toxicité du glyphosate, herbicide qui sont dans la composition du Round-up, un produit phare de l’entreprise. Cette pratique n’est pas nouvelle, le philosophe Roger Lenglet, un spécialiste des lobbies et coauteur du livre : L’armoire est pleine, les rapports enterrés de la République (édition first), décrit cette pratique comme : “l’un des piliers du lobbying moderner né aux Etats-Unis dans les années 1920-1930”. Aujourd’hui, le secteur pharmaceutique utilise beaucoup cette pratique, mais y a t-il d’autre secteur qui l’utilise ? “C’est tout le problème du ghostwriting, c’est très difficile de prouver qu’il existe” souligne Stéphane Horel, journaliste d’investigation pour Le Monde et également auteure de Intoxications aux éditions La Découverte, qui est une enquête sur l’influence des lobbies sur le dossier qui concerne les perturbateurs endocriniens.
Dans l’affaire des monsanto papers, “Dans ces archives internes, on découvre avec stupeur que le terme ghostwriting est utilisé de manière complètement décomplexé entre employés de Monsanto, ce qui amène à s’interroger sur l’ampleur du recours à cette technique dans le domaine de l’agrochimie.” poursuit Stéphane Horel.
Manufacture de doute et recherches leurres
Le 29 novembre 2016, une centaine de chercheurs américains et européens avaient publiés une tribune dans Le Monde, contre la “manufacture du doute”. C’est une méthode qui consiste à déformer de manière délibéré des preuves scientifiques dans le but de créer une fausse impression de controverse. Le ghostwriting fait partie des stratégies de la manufacture du doute, mais d’autres techniques existent comme la recherche par leurres par exemple qui est très prisé par l’industrie du tabac : “il s’agit ici de détourner l’attention, quand tout le monde s’inquiétait du danger du tabagisme passif par exemple, elle finançait des travaux scientifiques sur les polluants intérieurs” explique Stéphane Horel. Le recours à des leaders d’opinion peut parfois être utilisé : “ aux États-Unis, dès la naissance de la télévision, des scientifiques intervenaient en blouse blanche pour raconter que le tabac était très bon pour les poumons” relate Roger Lenglet.
Selon Martin Pigeon de l’ONG Corporate Europe Observatory, cette manufacture de doute ne sert pas forcément à influencer l’opinion publique mais sert surtout à influencer sur l’élaboration des normes réglementaires, ces mêmes normes qui vont faire que leur produit est autorisé ou non sur le marché. Un but important pour les firmes qui vendent des produits dangereux, qui cherchent à maintenir leur produit le plus longtemps possible sur le marché.